L'exécutif européen en est bien conscient : développer le véhicule électrique à grande échelle implique une forte croissance de la demande de batteries en Europe. "Les batteries sont au cœur de cette nouvelle révolution industrielle et sont un élément clé de la transition vers la mobilité propre", constate la Commission européenne qui qualifie de "stratégiques" leur développement et leur production. Pour autant, l'Europe a déjà accumulé du retard par rapport à l'Asie et, dans une moindre mesure, les Etats-Unis. Le marché est actuellement dominé par les Chinois Build Your Dreams (BYD) et Contemporary Amperex Technology Co Ltd (CATL), les Coréens LG and Samsung et les Japonais Panasonic and NEC. Outre-Atlantique, Tesla a une bonne longueur d'avance.
Concentrer les efforts sur la prochaine génération
La Commission estime aussi que l'Europe dispose d'atouts pour rattraper son retard en matière de batteries, puisque la politique de l'Union européenne en matière de mobilité propre apporte de la "prédictibilité" au marché. Elle pense en particulier à sa proposition de révision de la réglementation sur les émissions de CO2 des voitures et à l'avantage accordé aux constructeurs qui dépassent l'objectif de véhicules à émissions faibles (-50 g de C02/km) ou nulle fixé à 15% des ventes en 2025 et à 30% en 2030. Elle pense aussi à sa stratégie de déploiement de bornes de recharge. Elle rappelle enfin les annonces des constructeurs qui veulent proposer de nouveaux modèles de voiture électrique dans les prochaines années.
Mais pour que la production de batteries en Europe change d'échelle au plus vite, les industriels doivent "investir massivement" dans l'ensemble de la chaîne de valeur avant 2025. Bruxelles identifie un enjeu en particulier : il est "crucial" de passer rapidement de la recherche, à la mise à l'essai, puis à la fabrication de batteries européennes de technologie avancée. La Commission propose donc de miser d'ores et déjà sur les batteries de la prochaine génération, plutôt que de tenter de rattraper le retard pris sur les batteries actuelles.
Une rallonge de 200 millions d'euros
Cette stratégie implique de regrouper les acteurs européens des secteurs nécessaires au transfert des futures technologies des laboratoires aux usines capables de les produire massivement et de façon compétitive sur le territoire européen. "En raison du niveau et de l'urgence de l'investissement nécessaire, cela ne peut pas être fait de manière fragmentée", prévient Bruxelles. Les investissements sont d'autant plus élevés que l'Europe ne peut pas se concentrer sur un projet ou une seule technologie.
Pour lancer l'initiative, l'Union européenne annonce vouloir y consacrer 200 millions d'euros supplémentaires entre 2018 et 2020. Cette somme s'ajoutera aux 150 millions déjà programmés. Par ailleurs, le Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) du Plan Junker et certains instruments européens, comme le volet "Projets de démonstration liés à l'énergie" d'InnovFin, proposeront des financements par le biais de la Banque européenne d'investissement. Le EFSI et le Fonds européen de développement régional (Feder) disposent de près de 80 milliards d'euros, rappelle la Commission.
Un premier rendez-vous en février 2018
Mais avant d'allouer des fonds, l'exécutif européen encourage l'union entre les acteurs du secteur. Début octobre, Maros Sefcovic, vice-président de la Commission européenne pour l'Union de l'énergie, a lancé un groupe de travail sur la création de la filière européenne de production de batteries que l'Europe appelle de ses vœux. Une cinquantaine d'entreprises et centres de recherche y ont pris part, parmi lesquels les Français Bolloré, CEA Liten, EDF, PSA, Renault, Saft (la filiale de Total), et Solvay, ainsi que les Allemands BASF, BMW, Daimler, Siemens, ou encore Volkswagen.
L'objectif est de préparer une feuille de route en vue de créer une alliance pour donner forme à l'ambition européenne en matière de batterie. Celle-ci sera présentée à l'occasion des Journées européennes de l'industrie qui se tiendront les 22 et 23 février 2018 à Bruxelles. L'exécutif européen ne compte pas s'impliquer directement, mais plutôt catalyser les ambitions des différents industriels concernés. Ce rôle pourrait aussi être joué par les Etats membres intéressés. Reste que le temps presse et qu'il ne sera pas forcément aisé de faire travailler ensemble des acteurs qui se livrent par ailleurs une redoutable concurrence.