Le gouvernement a entamé, avec l'ensemble des parties prenantes, les travaux sur la future stratégie nationale bas carbone (SNBC). Outil créé par le projet de loi de transition énergétique, cette stratégie doit définir la politique d'atténuation des émissions de gaz à effet de serre (1) (GES) de la France. Elle décline, secteur par secteur, un scénario de référence qui vise le facteur 4.
Le projet de loi, tel qu'issu de l'Assemblée nationale en deuxième lecture, précise en effet que la stratégie ciblera les mesures les plus efficaces, en tenant compte des secteurs où le potentiel d'atténuation est faible. "L'analyse comparative coût-efficacité des mesures, entre les secteurs comme au sein d'un même secteur, ainsi que la prise en compte des questions d'équité, de compétitivité et d'acceptabilité, qui seraient utiles pour affiner et prioriser ces mesures, doivent être poursuivies et approfondies", indique le document provisoire.
Pour l'heure, l'industrie est identifiée comme l'un des secteurs ayant le plus gros potentiel d'atténuation. Pour atteindre le facteur 4, le scénario de référence estime que l'industrie devra réduire de 85% ses émissions directes. Représentant 18% des émissions françaises de GES, c'est un secteur particulier puisque les trois-quarts de ses émissions sont déjà soumises au système européen de quotas carbone (ETS).
Economiser 20% d'énergie d'ici 2030
A moyen terme, l'efficacité énergétique est la principale piste d'atténuation pour l'industrie, note le projet de SNBC. A la clé : "Des gains d'efficacité énergétique en 2030 par rapport à 2010 par tonne produite de 20% pour le secteur de l'industrie. Les potentiels de gains par filière sont de l'ordre de -8% pour la sidérurgie ; -13% pour les métaux primaires ; -18% pour la chimie ; -19% pour les minéraux non métalliques ; -28% pour l'équipement ; -29% pour l'industrie agroalimentaire et -25% pour les autres industries".
La réalisation systématique d'audits énergétiques devrait permettre à l'industrie d'identifier les pistes pour améliorer l'efficacité de la combustion d'une part, et de la consommation nécessaire par produit d'autre part. La lutte contre le gaspillage passera aussi par la valorisation de la chaleur fatale, sur site propre ou via les réseaux de chaleur. "En 2030, le scénario de référence suppose une valorisation de 10 TWh de chaleur issue des rejets annuels à plus de 100°C", note le projet de SNBC.
A plus long terme, l'industrie devra également substituer les combustibles fossiles par des combustibles moins émetteurs de CO2, comme la biomasse ou même l'électricité : "Le scénario de référence suppose que la décarbonisation du mix électrique pourrait conduire l'industrie à rechercher des substitutions vers l'électricité (pour diminuer ses émissions de CO2)".
Enfin, le développement du stockage et du captage du carbone (CSC) permettra à certaines filières (ciment, acier) d'atteindre le facteur 4.
Matériaux biosourcés, recyclage et réparation
Mais l'atténuation passera également par le développement de l'éco-conception et d'une économie circulaire, note le projet de stratégie. Cela passe par l'augmentation du recyclage (aluminium, verre et papiers cartons), l'allongement de la durée de vie des produits et la réutilisation/réparation des produits manufacturés. "Les marchés de seconde main sont très actifs. La réparation est un secteur économique majeur, très structuré, avec une forte composante numérique et logistique : une nouvelle révolution industrielle". L'éco-conception est également primordiale, puisque "les entreprises ont un rôle déterminant à jouer sur les émissions de la consommation par la mise sur le marché et la promotion des produits dont le cycle de vie complet sera moins émetteur (produits efficaces énergétiquement, recyclables ou réutilisables, services remplaçant des produits dans l'esprit d'une économie de fonctionnalité, etc.)".
Un travail sur les matières premières devra également être mené. Les matériaux fortement émetteurs devront être substitués par des matériaux alternatifs, notamment biosourcés. Une meilleure efficacité dans l'utilisation des matériaux (moins de chutes …) et le recyclage devront être développés. Les objectifs sont élevés : "Le scénario de référence suppose un taux de recyclage en 2030 de 90% pour l'acier, 80% pour l'aluminium, de 85% pour le verre et 90% pour le papier".
Les politiques publiques doivent accompagner l'industrie
Pour atteindre ces objectifs, les pouvoirs publics devront soutenir l'innovation, afin de diminuer le coût de la décarbonisation des procédés industriels ou du CSC. "A moyen terme, la capacité concurrentielle de l'industrie dépendra surtout de la capacité de l'autorité publique à déployer des systèmes innovants d'aide à la R&D, du financement du développement des entreprises, de la structuration de filières, de la formation…". De même, la bio-chimie et le développement de filières vertes locales nécessiteront la levée "d'un certain nombre de verrous, organisationnels, réglementaires et techniques d'ici 2030".
La mise en place d'un signal prix carbone visible et prévisible est indispensable pour sécuriser les investissements des industriels. D'autant que "les durées de vie des installations industrielles sont de l'ordre de plusieurs décennies et les choix technologiques ont des répercussions long-termes sur les émissions". Les filières les plus exposées sur le marché international devront être protégées, par l'allocation gratuite de quotas d'émissions.