Professeur à l'Ecole nationale supérieure d'architecture de Grenoble (Ensag) et chercheur au Labex AE&CC
Actu-Environnement.com : Quelles sont les réalisations des parcs naturels régionaux (PNR) ?
Romain Lajarge : Les 51 PNR ont acquis une expérience très grande et très variée en matière de relation hommes-nature et de développement éco-responsable. Leur expérience n'est pas uniforme et cela constitue leur force : ils sont ce qu'ils font. Or, ils ne font pas tous la même chose et n'ont pas les mêmes capacités à faire. Globalement, ils concernent des territoires fragiles et même parfois très fragiles, à l'image d'une grande partie des espaces ruraux, périurbains ou métamétropolitains. A ce titre, ils représentent la diversité de l'espace français. L'image des parcs comme terre de bobos, parfois entendue, est assez fausse. Les PNR s'appuient sur des configurations socio-économiques très disparates et ils n'ont pas vocation à tout transformer.
AE : Mais, alors, les PNR ont-ils changé quelque chose ?
RL : Ce que notre étude montre est une réelle spécificité sur certains registres de leur action. Les parcs apportent notamment une capacité d'intervention très précieuse sur ces thèmes dans leurs territoires et avec des milieux professionnels ou associatifs demandeurs. Les PNR défendent des projets de développement pour des territoires qui en ont exprimé le besoin. Et ce sont les acteurs locaux qui portent cette dynamique. Cette capacité leur donne la possibilité de résister aux tendances lourdes de l'évolution des campagnes françaises. En matière agricole par exemple, les mesures agro-écologiques sont plus présentes : la taille des exploitations est plus petite que la moyenne française, il y a plus d'exploitations bio, plus de produits disposant de labels, etc. Ce qui n'empêche pas que le secteur agricole y soit aussi en souffrance.
AE : Quels sont les résultats des parcs en matière de tourisme ?
RL : Les parcs portent un regard intéressant sur les pratiques touristiques, notamment dans les régions très touristiques en prônant plus de raison et de mesure face au tourisme de masse. La nature du tourisme dans les PNR permet de spécifier et mettre en valeur les démarches plus écoresponsables, plus expérientielles, faisant plus de place à des activités sportives de pleine nature. Mais le cœur de leur spécificité est de considérer que le tourisme est un moyen, comme le décrit leur mission d'éducation à l'environnement, pour mieux connaître la nature, la fréquenter, apprendre à l'aimer. Ce qui est le meilleur moyen de la respecter.
AE : Quelle est l'action des parcs en termes de paysages ?
RL : Les PNR ont été bien identifiés comme l'un des acteurs majeurs de la nécessité paysagère. Cela passe, là aussi, beaucoup par de l'éducation, de la sensibilisation et des démarches participatives. Beaucoup d'attentions ont notamment été accordées aux paysages ordinaires, les PNR étant très attendus sur cette question suite à la loi Paysages de 1993. Mais une grande partie de l'action s'est faite par des changements de pratiques plutôt que par des schémas paysagers globaux.
AE : Le bilan en terme d'écologie est-il bon ?
RL : Les parcs sont nécessairement des territoires aux patrimoines naturels et culturels riches et fragiles. La carte des PNR correspond à celle des espaces naturels avec de forts taux de protections contractuelles et réglementaires. Ils représentent donc bien une partie de la richesse de la biodiversité française. Mais le concept est très différent de celui des parcs nationaux. On protège car on veut y habiter, sans logique d'exclusion. Des indicateurs objectifs comme celui de la qualité de l'eau montrent aussi que la situation est meilleure dans les parcs. Les PNR sont également des ralentisseurs d'étalement urbain bien qu'ils n'aient pas de compétence urbanistique. Preuve que leur capacité d'intervention se situe sur un autre registre que la réglementation, les interdictions ou la loi. Les PNR défendent le principe d'une certaine qualité de vie et d'une qualité de relations qu'un aménagement fin de l'espace devrait toujours permettre. Ils sont donc mobilisés pour un développement urbain de qualité.
AE : Le déclassement temporaire du parc du Marais Poitevin ne démontre-il pas toutefois la faiblesse des PNR ?
RL : A la fois oui et non. Oui, car être Parc n'avait pas suffi à l'époque à enrayer les tendances lourdes qui aboutissaient à l'assèchement des marais. Mais non, ce n'est pas une faiblesse que de faire fonctionner le principe du projet, de sa mise en œuvre et de son évaluation. C'est une belle manière de voir que le concept fonctionne et que les territoires se mettent eux-mêmes la pression pour atteindre les objectifs qu'ils se fixent. Les parcs permettent de réunir des acteurs très différents, comme les chasseurs et les écologues, sur des actions communes de protection de la nature.
AE : Comment les parcs abordent-ils la transition énergétique ?
RL : C'est un domaine où les données quantitatives globales et génériques manquent. Certaines régions sont peu concernées. Mais, l'activité des parcs en la matière aboutit à leur surreprésentation parmi les lauréats des appels à projets. Dans ce domaine aussi, les parcs ajoutent de l'éducation à l'environnement et une capacité à peser dans le temps long.
AE : La marque "Valeurs Parc" est-elle une réussite ?
RL : Cette marque résume bien l'action des parcs car elle permet de labelliser non seulement un grand nombre de produits et de services mais aussi leurs résultats. Elle reflète plus la philosophie d'intervention des PNR qu'elle ne constitue un argument marketing, même si elle permet aux producteurs de bénéficier d'un petit plus. Au final, tout le monde est gagnant.
AE : Quelles menaces pèsent sur les PNR ?
RL : La principale menace est de ne plus être soutenus par les pouvoirs publics et par les différents acteurs qui les font vivre. Car les PNR ne correspondent pas à un registre standard de l'action publique. Ils ont été créés de manière expérimentale et gardent ce statut institutionnel spécifique. Cette longue expérience accumulée au cours des innombrables réformes territoriales les rend particulièrement agiles, adaptables, plastiques et inventifs. Mais sans des femmes et des hommes habité(e)s par l'envie d'expérimentation et soutenu(e)s par la puissance publique, ils peuvent effectivement végéter. Il ne me semble pas qu'ils soient exposés à un danger de disparition. Ils ont une capacité de résistance aux aléas politiques, ils peuvent se mettre en sommeil un temps. Mais dans cette époque où le besoin d'inventer de nouvelles solutions pour un développement territorial plus soutenable est grand, il faudrait être fou pour se priver d'un outil finalement assez peu coûteux et aussi efficace.