Faut-il interdire la pêche par des chaluts de fond dans les aires marines protégées (AMP) ? C'est la position que souhaitait porter l'eurodéputée écologiste Caroline Roose devant le Parlement européen réuni en session plénière, le 3 mai, à Strasbourg, dans le cadre de l'adoption d'un rapport d'initiative sur l'économie bleue.
« Aujourd'hui, moins de 1 % des eaux de l'UE sont effectivement protégées contre les méthodes de pêche destructrices telles que le chalutage de fond. La situation désastreuse des AMP européennes est en contradiction avec les normes de protection marine établies par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui stipulent clairement qu'aucune pêche destructrice ni aucune activité d'extraction industrielle ne doivent être autorisées dans une aire marine protégée », explique l'association Bloom, qui soutenait cette interdiction.
Mais le débat sur cette question n'a pu avoir lieu. La faute, selon l'association, à un amendement « anti-écologique » déposé par l'eurodéputé Renaissance Pierre Karleskind, président de la commission pêche, qui a fait tomber celui de Caroline Roose. À la suite d'une mobilisation citoyenne lancée par Bloom, la semaine précédant le vote, M. Karleskind avait annoncé une réécriture de son amendement qui ne proposait qu'une interdiction limitée des pratiques de pêche néfastes pour la biodiversité. Mais c'est pourtant l'amendement originel qui a été finalement adopté.
Le président Renaissance de la commission environnement, Pascal Canfin, avait rédigé un amendement de compromis, estimant qu'une interdiction du chalutage de fond dans l'ensemble des aires marines protégées n'avait aucun chance d'être adoptée. Mais il ne l'a finalement pas déposé après avoir constaté qu'il n'aurait pas de majorité. « Cet amendement (…) a fait face à une double opposition, celle du lobby de la pêche industrielle, en particulier Europêche (…), qui a toujours du mal à concevoir que, s'il n'y a plus de poissons, il n'y a plus de pêcheurs, et, de l'autre, d'écologistes qui se drapent dans une radicalité qui ne déclenche aucun chemin de transformation concret », explique M. Canfin.
L'association Bloom dénonce cette « médiocrité décisionnelle », mais ne s'estime pas battue pour autant. « Ce résultat de vote non juridiquement contraignant ne devrait pas empêcher la Commission européenne de prendre des mesures urgentes pour préserver l'environnement marin », estime l'ONG. « Seules des AMP efficaces et réellement protégées peuvent permettre à l'UE de tenir ses engagements ambitieux en matière de biodiversité et de climat », avertit Bloom.