Le décret du 9 décembre 2010 instaurant un moratoire sur le photovoltaïque est légal. C'est ce que vient de décider le Conseil d'Etat, dans un arrêt en date du 16 novembre (1) , rejetant en bloc les 38 requêtes visant à faire annuler ce texte.
Caractère rétroactif du décret
Par le décret du 9 décembre 2010, le Gouvernement avait suspendu pour une période de trois mois la possibilité de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite à partir des centrales photovoltaïques dépassant une puissance de 3 kW en crête.
Les requérants avaient notamment fait valoir qu'il ne s'agissait pas d'une suspension mais d'une "purge de la file d'attente", selon les mots d'Arnaud Gossement, l'un de leur avocats, le cadre réglementaire ayant changé à l'issue du moratoire. Ils contestaient également le caractère rétroactif du décret, la suspension d'achat s'appliquant à compter du 2 décembre alors que le décret avait été publié le 10 décembre 2010 au Journal officiel.
Vives critiques des avocats spécialisés
Pour Arnaud Gossement, "cet arrêt est troublant" et procède "d'une analyse qui restreint le sens et la portée de nombreux principes juridiques ". Et d'ajouter : "Il semble que la Haute juridiction soit partie du postulat que le Gouvernement n'avait pas le choix d'agir ainsi alors que tel n'était pas le cas. D'une part, les chiffres mis en avant pour justifier l'existence d'une « bulle spéculative » sont invérifiables, d'autre part, il existait bien d'autres moyens de procéder à une régulation plus fluide du développement de l'énergie solaire".
"Le Gouvernement est, au contraire, en grande partie responsable des perturbations du développement de la filière, en raison d'une absence de vision claire et précise de l'avenir de notre politique énergétique", analyse l'avocat.
Pour Carl Enckell, avocat spécialisé en droit de l'environnement et de l'énergie, cet arrêt "décevant quant à la motivation de l'exception au principe de non-rétroactivité des actes réglementaires, témoigne de la très mauvaise qualité du mécanisme juridique mis en œuvre pour favoriser l'émergence des énergies renouvelables, et notamment du photovoltaïque". Selon lui, " le principe d'un rachat obligatoire de l'énergie par l'opérateur historique crée un déséquilibre dans les relations contractuelles qu'il implique".
Plus virulent, David Deharbe, dénonce un Conseil d'Etat "décomplexé à l'heure d'un prétendu développement durable où prime en fait le court terme économique" et qui "redevient ce qu'il n'a jamais cessé d'être : l'ennemi de l'environnement". Pour l'avocat spécialisé en droit de l'environnement, il faut bien se garder d'oublier ce que l'arrêté ne parvient pas à masquer : "le Gouvernement français a opté pour une suspension de l'obligation d'achat, certes de contrats non encore signés, mais dont les demandes avaient déjà été formulées selon des critères cristallisant une situation belle et bien constituée".
"Le contentieux de la légalité est certes perdu mais le contentieux de la responsabilité commence !", relativise toutefois Ariane Vennin, porte-parole d'Ecologie sans frontière et présidente du collectif Touche pas à mon panneau solaire.