Si la mise en œuvre de la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (1) (Gemapi) se poursuit, sur le terrain certaines questions demeurent.
Dans un rapport sur sa mise en œuvre (2) , rendu public le 21 octobre, des hauts fonctionnaires (3) ont identifié six enjeux auxquels les acteurs de la Gemapi vont devoir se préparer. Ils proposent plusieurs recommandations pour « anticiper les questions à résoudre dans les prochaines années » et « accompagner le travail en marche, qui caractérise toute évolution de ce type ».
Sur le terrain de la démocratie, tout d'abord, les hauts fonctionnaires pointent la nécessité d'instaurer une concertation pour l'élaboration d'un système d'endiguement. La question est sensible. En mettant en balance leurs moyens et les enjeux sur leurs territoires, les collectivités vont devoir choisir entre conserver ou écarter des ouvrages. « Le choix du système d'endiguement supposera également de justifier des engagements financiers ne concernant pas des ouvrages situés sur le territoire de l'EPCI (4) , en cohérence et en solidarité avec les collectivités territoriales concernées par le même bassin versant, les décisions de protection d'une collectivité territoriale pouvant avoir une influence sur la possibilité d'inondations des territoires en aval, mais aussi en amont dans certains cas », note les hauts fonctionnaires. Les collectivités devront associer la population à la définition d'un niveau de risque acceptable concernant la protection contre les inondations. Dans l'idéal, la mission souhaiterait que les stratégies locales de gestion des risques d'inondation (SLGRI) soient l'outil de définition systématique des politiques territoriales de prévention des risques : qu'elle présente le niveau de protection prévu par la collectivité ainsi que le financement qu'il implique. Et elle préconise que ces dernières soient soumises à enquête publique. « Toutefois, la lecture des premières SLGRI laisse penser que les éléments qui y sont présentés restent encore trop imprécis pour permettre une connaissance éclairée par les populations concernées », reconnaît la mission. Elle propose, en seconde piste, de soumettre à la consultation du public les projets de délibération des collectivités définissant les niveaux de protection choisis, sous une forme à déterminer.
Ne pas négliger la Gema
Autre enjeu : une relation équilibrée entre la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations. « La forte relation entre les deux problématiques, Gema et Pi, n'est pas encore assimilée, et le risque d'une dissociation entre les deux dimensions de cette politique est réel, souligne la mission. Les enjeux de la gestion des milieux aquatiques sont plus complexes et diffus que ceux de la prévention des inondations et le rapport coût/bénéfices moins évident ».
Les hauts fonctionnaires alertent sur la tentation pour les EPCI de privilégier la partie gestion des inondations et, par exemple, transférer la Gema aux syndicats de rivière.
La mission appelle également de ses vœux l'intégration de la Gemapi dans une vision intégrée de la politique de l'eau. « Force est de reconnaître qu'une lecture attentive des quatre items de la Gemapi (5) ne contribue pas à faciliter une approche globale des politiques de l'eau », pointe-t-elle.
Parmi les questions qui restent compliquées pour les collectivités : la gestion du ruissellement.
« La compétence ruissellement reste en suspens, n'étant pas intégralement prise en compte dans les compétences obligatoires définies par la Gemapi, constate la mission. Cette situation est vraisemblablement due à la multiplicité de ses conséquences (6) sur le territoire, qui rend son rattachement à un dispositif, complexe ».
Les hauts fonctionnaires recommandent de clarifier, par une instruction nationale, le périmètre des missions Gemapi/hors Gemapi.
Préserver la solidarité de bassin
« La principale critique faite à la dévolution de la compétence Gemapi aux intercommunalités porte sur la remise en cause de la logique de bassin hydrographique, qui sous-tendait la politique de l'eau depuis la loi sur l'eau de 1964, au profit d'une logique institutionnelle », situent les hauts fonctionnaires. Dans leurs recommandations, ils poursuivent dans cette direction : ils préconisent de préserver la solidarité territoriale et nationale en encourageant les agences de l'eau à accompagner prioritairement les organisations fondées sur le respect de la logique de bassin versant. D'ici cinq ans, ils proposent d'engager une réflexion sur une adaptation des modes d'intervention du fonds Barnier pour palier des situations de déséquilibres entre ressources à mobiliser et mobilisables.
Ils incitent également les collectivités, aidées par les agences de l'eau, à conduire un inventaire des capacités d'ingénierie du grand cycle de l'eau susceptibles d'intervenir sur les problématiques de leur bassin.
Une réelle intégration de la prévention des inondations dans l'urbanisme
Pour y remédier, la mission propose une consultation des documents d'urbanisme par les autorités « gémapiennes » dont le bassin versant est concerné, lors de leur réalisation ou de leur révision. Leur compatibilité avec les stratégies locales de gestion des risques d'inondation pourrait être obligatoire.
Une modification des conditions du dialogue avec l'État
Enfin, la mission incite à consolider le modèle économique de la compétence, mais également de modifier les conditions de dialogue des collectivités avec l'État.
« L'État doit se préparer à un dialogue avec les collectivités territoriales plus équilibré en compétences qu'aujourd'hui, sur la question de l'intégration proportionnée de la prévention des risques dans l'aménagement du territoire et les questions de constructibilité, notamment par la prise en compte de leurs analyses dans les prescriptions qu'il retiendra en matière de PPR [Plan prévention des risques], estiment les hauts fonctionnaires. Cela suppose notamment d'intégrer, de façon proportionnée, la prévention des risques dans la politique d'aménagement du territoire et de veiller à l'effectivité des dispositions réglementaires prévues pour associer plus étroitement les collectivités territoriales à l'élaboration des plans de prévention des risques ».