Le Comité scientifique de l'Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) a lancé jusqu'au 15 septembre une consultation publique sur un projet d'avis d'évaluation de la pertinence et de la fiabilité de l'approche ''seuil de préoccupation toxicologique (SPT)'' (1) . Ce seuil correspond à une dose journalière d'exposition à certaines catégories de substances en deçà de laquelle un ensemble d'investigations toxicologiques ne serait pas obligatoirement demandé dans un cadre réglementaire. Elle est basée sur une approche probabiliste.
Après revue scientifique, analyses et enquête sur les bases de données sous-tendant cette méthode, le Comité scientifique de l'EFSA a estimé que ''l'approche SPT est un outil de dépistage utile pour réaliser une évaluation qualitative des risques. Elle permet également une utilisation efficace des ressources disponibles et des réductions potentielles de l'expérimentation animale''. L'agence envisage de l'utiliser pour les substances présentes dans les aliments. L'idée est de consacrer les ressources disponibles à l'évaluation des risques des substances dites prioritaires, celles auxquelles la population est la plus exposée ou pour lesquelles il existerait une population particulièrement sensible.
Pour Générations futures, cette approche ''n'a rien à voir avec la science. Elle est une construction artificielle pour laquelle l'industrie a fait pression à tous les niveaux dans les quinze dernières années pour garantir l'accès au marché à un large éventail de produits chimiques''. Ainsi, pour elle, si les seuils de préoccupation toxicologique étaient appliqués aux pesticides, ''d'un seul coup tous les pesticides deviendraient sans danger pour les humains. L'approche SPT est une menace majeure pour la santé des citoyens de l'UE''.
Les valeurs seuils retenues par l'EFSA par catégorie de produits
Dans son avis, le Comité scientifique a retenu un certain nombre de valeurs seuils d'exposition suffisamment ''robustes et conservateurs pour être utilisés dans les travaux de l'EFSA'' :
- 0,0025 µg/kg de poids corporel par jour pour les substances génotoxiques,
- 0,3 µg/kg de poids corporel par jour pour les substances organophosphorées et carbamates avec une activité anticholinestérasique,
- 1,5 µg/kg de poids corporel par jour pour les substances de classe structurelle III (substances pour lesquelles la structure suggère une faible présomption de non-toxicité voire une toxicité possible) et II (niveau intermédaire),
- 30 µg/kg de poids corporel par jour pour les substances de classe structurelle I, c'est-à-dire celles dont la structure suggère un faible niveau de toxicité orale.
L'EFSA estime cependant que cette approche n'est pas adaptée à tous les cas. ''L'approche est essentiellement applicable aux substances pour lesquelles la structure du produit chimique est connue mais dont on a peu ou pas de données sur la toxicité'', indique l'agence. Pour l'appliquer, il est essentiel d'avoir une évaluation de l'exposition conservatrice, qui tient compte de scénarios d'exposition élevée.
Son utilisation pour les nourrissons de moins de six mois devrait être néanmoins considérée au cas par cas. De même, cette approche n'est pas appropriée pour un certain nombre de substances (les substances à haut potentiel cancérigène, les substances inorganiques, les métaux, les protéines, les substances bioaccumulantes connues ou suspectées, les substances dont la structure n'est pas assez représentée dans les données servant de base à cette approche, comme les nanomatériaux ou les substances radioactives, les substances susceptibles d'avoir des effets locaux sur le tractus gastro-intestinal).
Une approche qui accroît les risques selon Générations futures
Selon Générations futures, l'approche SPT ''accroît les risques pour la population''. Tout d'abord, parce qu'elle ''prend la vieille valeur de l'industrie NOEL (pour "no observable effects limit" = la "dose en dessous de laquelle il n'y a pas d'effet") comme base de construction, des données qui sont non seulement dépassées, mais ne sont également pas des niveaux sans effet du tout''. De plus, au lieu de prendre la plus faible NOEL disponible, cette méthode se base sur ''une modélisation probabiliste (5e percentile), permettant des effets néfastes du groupe des produits chimiques le plus toxique''. Enfin, elle fait abstraction des mélanges chimiques auxquels les humains sont exposés chaque jour et permet une exposition pour un seul produit, en se basant sur un calcul de la moyenne qui masque des apports ponctuels à des doses aigues.
Pour l'association, cette approche va à contre-courant des récentes réglementations européennes, telles que le nouveau règlement sur les pesticides et le règlement REACH.