Les besoins d'approvisionnement en biomasse végétale de la méthanisation concurrencent-ils les mêmes besoins des élevages ? Selon une étude (1) de Solagro et du cabinet de conseil I-Care, pour le compte de l'association France gaz renouvelables (FGR), la réponse est (majoritairement) non.
« Selon les exploitants, en grande majorité, le développement de la méthanisation n'a peu ou pas d'impact sur la dépendance fourragère des élevages de leur territoire », assure I-Care. Ces témoignages de terrain se sont également vérifiés dans les chiffres de recensement agricole à l'échelle cantonale. Le bilan actuel entre l'offre fourragère potentielle (comprenant le maïs, la betterave, le sorgho ainsi que les prairies et les cultures intermédiaires à vocation énergétique, ou Cive) et les besoins d'alimentation animale (pour les élevages bovins, ovins et caprins) et l'approvisionnement végétal des méthaniseurs apparaît en tension dans certaines régions, comme la région Sud-Paca et l'Occitanie. Cependant, précise l'étude, « ce résultat n'est pas significatif car l'élevage et la méthanisation y sont peu développés [et] que ces tensions se compensent à un niveau régional et presque systématiquement à un niveau départemental ». Autrement dit, par effet de compensation entre territoires, l'impact de la méthanisation sur la tension fourragère reste globalement faible, hormis de façon légère dans les Hauts-de-France.
Pourcentage de cantons par région en tension fourragère avec ou sans méthanisation.© I-Care
Cela étant, cette tension risque d'augmenter progressivement dans les années à venir. Près de 1 000 projets de méthanisation sont inscrits dans les registres de capacité et contribueront, s'ils sont tous mis en service, à mobiliser au total, par région, environ 5 000 hectares (ha) de cultures qui leur seront réservées et entre 13 000 et 27 000 ha de Cive d'ici à 2025. En 2020, la surface moyenne de cultures dédiées et de Cive par région s'élevait respectivement à 1 460 et 3 700 ha. L'augmentation des surfaces agricoles (notamment de Cive, correctement cultivées, irriguées et fertilisées), accompagnée d'un non-surdimensionnement des méthaniseurs futurs, sera donc nécessaire pour maintenir un niveau de tension faible. Toutefois, d'après Solagro, cette situation peut être maîtrisée en raison, notamment, de la réduction progressive du cheptel européen. Rien qu'en France, le cheptel bovin, qui compte 18 millions d'animaux, est en baisse de 20 % par rapport à son niveau historique dans les années 1970. D'autant que la déprise des terres, laissées petit à petit en friche par la disparition des petits élevages, favorise la méthanisation. Cette dernière « aura toute sa place pour consommer l'herbe à la place de l'élevage et même valoriser les surproductions fourragères à l'avenir », assure Jean-Marc Onno, éleveur, vice-président de l'Association des agriculteurs-méthaniseurs de France (AAMF) et membre de FGR.
Article publié le 16 juin 2022