Comme sur d'autres chantiers, le démantèlement des installations du CEA n'est pas un long fleuve tranquille. L'institut de recherche a deux programmes de grande ampleur sur ses centres de Marcoule (Gard) et de Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine). Des installations consacrées au nucléaire civil et militaire. Après examen de la stratégie proposée par le CEA pour les 15 prochaines années, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et son homologue en charge des installations nucléaires militaires (ASND) jugent que cette dernière ne garantit pas une réduction effective des risques à court terme et présente plusieurs "fragilités". En outre, les deux autorités s'interrogent aussi sur le devenir de certaines matières jugées valorisables par le CEA, mais qui pourraient rapidement être considérées comme des déchets faute de perspective d'utilisation réaliste. Les deux autorités "ont donc fait plusieurs demandes au CEA visant à limiter ces fragilités, à consolider sa stratégie et à préciser le calendrier de réalisation", dans un courrier (1) endu public le 24 juin.
Des moyens financiers et humains insuffisants
Les autorités estiment tout d'abord qu'"au vu des calendriers prévisionnels présentés, même en l'absence d'aléas et de retards sur les projets, la réduction des risques ne sera pas effective avant, au mieux, une dizaine d'années". Le problème de délai concerne essentiellement la reprise et le conditionnement des déchets radioactifs anciens. Ces opérations, jugées prioritaires en termes de réduction des risques, nécessitent de construire de nouvelles installations. Mais, les deux autorités "[s'interrogent] sur la robustesse du plan d'action [du CEA] et les moyens disponibles, tant humains que financiers, pour traiter au plus tôt l'ensemble des situations présentant les enjeux de sûreté ou les nuisances pour l'environnement les plus importants", peut-on lire dans le courrier adressé au CEA.
Les deux autorités constatent aussi "plusieurs fragilités" dans la stratégie du CEA. Ces fragilités sont liées à la mutualisation entre centres, pour la gestion des effluents radioactifs aqueux ou des déchets radioactifs solides, par exemple. Dans ces conditions, le CEA ne disposerait, pour certaines opérations, que d'une seule installation. "Cette stratégie induit, d'une part, une forte augmentation du nombre de transports et, d'autre part, de fortes incertitudes relatives à la disponibilité des installations (…), ainsi que des emballages de transport".
Vers une hausse des volumes de déchets à gérer
Enfin, les deux autorités notent aussi des incertitudes concernant la gestion des combustibles usés et certaines matières irradiées. Le sujet concerne tout d'abord des combustibles usés expérimentaux que le CEA prévoit de retraiter dans l'usine de La Hague. Mais cette stratégie soulève des doutes : est-il sérieusement envisageable de se lancer dans la création d'une unité dédiée à La Hague, demande en creux l'ASN et l'ASND, s'appuyant sur l'avis (2) de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Faute de solution réaliste, le CEA envisage de construire un site d'entreposage à sec "de longue durée" dans l'attente d'une solution définitive.
Le second sujet concerne les matières nucléaires civiles non irradiées que le CEA entendait valoriser dans un parc de réacteurs à neutron rapide dits de quatrième génération. Mais cette stratégie bute sur le développement d'un nouveau surgénérateur, dont le projet est semble-t-il à l'arrêt, voire abandonné. Les deux autorités notent sobrement que "les perspectives d'engagement sont peu claires". Elles demandent donc au CEA d'envisager une requalification de ces matières en déchets radioactifs une fois la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) publiée.