Absent dans le texte initial, le débat autour de la continuité écologique et les moulins s'est finalement invité dans les discussions au Sénat sur le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (1) . Un certain nombre de dispositions ont été adoptées, suscitant notamment les regrets de la Fédération nationale de la pêche (FNPF), mais le contentement d'associations en faveur de la conservation des moulins, comme Hydrauxois. « Nous appelons les parlementaires à engager les réformes législatives qui permettent ce progrès bénéfique pour les rivières, leurs usages, leurs milieux et leurs contributions au bien-être des citoyens, a-t-elle salué. Les poissons comme le reste de la faune aquatique souffrent d'abord des eaux polluées, raréfiées, réchauffées, et non pas des relances de moulins ou petites usines à eau. »
Premier ajout et sujet de débats : la possibilité de remettre en service la production d'énergie par de petits moulins anciens, uniquement sur la base d'une déclaration. Les sénateurs ont en effet acté que les installations – d'une puissance n'excédant pas 150 kilowattheures –, « fondées en titre » (2) ou autorisées avant le 16 octobre 1919, ne sont soumises à aucune formalité autre qu'une information du représentant de l'État dans le département. « Le potentiel de développement de la petite hydroélectricité, sur les moulins hydrauliques existants pour l'essentiel, est estimé à 290 mégawattheures », a notamment argumenté Louis-Jean de Nicolaœ, sénateur Les Républicains de la Sarthe (Pays de la Loire).
Une proposition de conciliateurs territoriaux
Le projet de texte revient également sur la décision du Conseil d'État de juillet, qui rappelle que les exemptions pour certains moulins de restauration de la continuité écologique sont contraires aux obligations européennes. Le texte demande désormais que l'autorité administrative motive les prescriptions complémentaires de gestion et d'entretien de ces installations au regard des engagements de continuité écologique. « La disposition proposée est contraire au sens de l'arrêt du Conseil d'État, car elle reporte sur l'État la charge de la preuve de l'impact de l'ouvrage sur le milieu et crée une rupture d'égalité injustifiée vis-à-vis de tout autre barrage que des moulins ayant les mêmes caractéristiques physiques, ou vis-à-vis de centrales hydroélectriques plus puissantes qui se situeraient sur le même cours d'eau, a réagi Agnès Pannier-Runachier, ministre de la Transition énergétique. Or, la puissance espérée de ces moulins n'a rien d'équivalent. »
Concessions hydroélectriques : les compétences des comités de suivi réduites
Le projet de loi d'accélération des énergies renouvelables revient également sur les compétences des comités de suivi de l'exécution des concessions hydroélectriques. Ces derniers sont normalement consultés par le concessionnaire, préalablement aux modifications des conditions d'exploitation ayant un impact significatif sur les usages de l'eau ou sur le milieu. Le texte demande désormais que le concessionnaire se tourne vers eux uniquement pour des décisions soumises à l'évaluation environnementale.
« Les débits fixés sont déjà très bas, a opposé Hamid Oumoussa. Nous ne pouvons plus nous permettre de descendre en dessous. Les rivières ont déjà un débit réservé qui baisse du fait du réchauffement climatique… Si nous l'abaissons encore à chaque situation exceptionnelle, nous allons condamner toute la biodiversité inféodée à nos cours d'eau. »
Dans un contexte de dialogue difficile, à l'image de ce qui est expérimenté en Occitanie, le projet de texte propose qu'en cas de désaccord entre l'autorité administrative et le propriétaire d'un moulin sur les questions de continuité écologique, une procédure de conciliation menée par un référent territorial soit engagée. Il prévoit qu'un décret ministériel précise ensuite les modalités de la mise en œuvre.
Des expérimentations d'hydroliennes fluviales
Le texte propose également, à titre expérimental et pour trois ans, de favoriser le déploiement d'installations d'hydroliennes fluviales sur le domaine public fluvial, notamment « de simplifier et d'accélérer la délivrance des autorisations prévues au titre du Code de l'urbanisme, du Code de l'énergie et du Code général de la propriété des personnes publiques ». Le gouvernement remettra au Parlement un bilan de l'expérimentation six mois avant son expiration. « Les procédures de facilitation des installations sont lancées avant même que nous nous soyons bien documentés et que nous ayons réfléchi aux impacts que cela pourrait avoir sur la biodiversité, en termes de réchauffement, de luminosité, d'accès et de partage des espaces », estime, quant à lui, Hamid Oumoussa.
Le projet de loi doit désormais être examiné en séance publique à l'Assemblée, à partir du 5 décembre. « Même si c'est une procédure accélérée, nous avons l'espoir de convaincre des parlementaires de revenir à la raison, indique Hamid Oumoussa. Nous allons massacrer des kilomètres de rivières, pour une production de l'ordre de 0,5 à 1 % supplémentaire à l'échelle nationale. »