Par un jugement (1) du 20 mars 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé les arrêtés du préfet qui autorisaient la chasse à tir de la grive à pieds jaunes et du pigeon à couronne blanche pour la saison 2019-2020. Ces arrêtés avaient été suspendus en octobre dernier dans le cadre d'une procédure en référé lancée par trois associations (Aspas (2) , Asfa (3) , LPO).
En autorisant cette chasse, le préfet a commis « une erreur manifeste d'appréciation dans l'application du principe de précaution résultant de l'article 5 de la Charte de l'environnement », juge le tribunal. En effet, compte tenu des connaissances scientifiques actuelles et de l'importance au niveau mondial de la zone de peuplement de Basse-Terre pour la conservation de ces espèces, leur chasse en Guadeloupe et à Saint-Martin « apparaît susceptible de menacer gravement le maintien de l'espèce sur ces territoires », indique le jugement.
En février 2019, le tribunal administratif de Basse-Terre avait annulé les arrêtés préfectoraux autorisant la chasse du pigeon à couronne pour la saison 2018-2019. Il s'était déjà fondé sur le principe de précaution. Ce jugement avait constitué une première application de ce principe aux espèces. Cette jurisprudence n'est pour l'heure pas partagée par le Conseil d'État qui, dans sa décision de décembre 2018 sur la chasse à la glu, a montré une approche très différente.
La position de la Haute juridiction administrative pourrait toutefois évoluer suite à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 10 octobre 2019 portant sur une dérogation à la protection du loup autorisée par la Finlande. « Pour la première fois, la CJUE a explicitement appliqué le principe de précaution dans le domaine de la protection des espèces », avait expliqué Julien étaille, maître de conférence à l'Université Toulouse 1 Capitole, expliquant qu'elle pourrait avoir d'importantes répercussions en droit français.