Pour faire face à une telle situation, le gouvernement régional catalan a mis en place un plan d'approvisionnement d'urgence : la région va être alimentée en eau potable par voie maritime depuis Marseille, Fos-sur-Mer et Tarragone. Une solution envisagée depuis le mois de janvier et mise en œuvre courant mai.
Les premiers transferts ont commencé le 20 mai et devraient se poursuivre pendant les trois prochains mois. Six navires, deux en provenance de Marseille, deux du canal de Provence et deux de Tarragone vont effectuer les livraisons, au rythme de 63 voyages mensuels. Ce transfert devrait permettre de fournir chaque mois à Barcelone 1,66 millions de mètres cubes d'eau potable, soit près de 6 % de le consommation de la ville. L'opération devrait coûter 22 millions d'euros mensuels.
Une telle solution avait déjà été mise en œuvre dans les années 80, à destination de l'Espagne, de l'Algérie mais aussi de la Sardaigne depuis Marseille.
La Société des Eaux de Marseille (SEM) et la Société du Canal de Provence (SCP) se chargeront du transfert de l'eau provenant respectivement de l'usine d'exploitation de Sainte-Marthe et du Verdon. Les 2 sociétés ont déclaré que cette opération ne compromettait pas les besoins propres de la population locale. Alors qu'en février 2008, la communauté urbaine de Marseille, autorité compétente en matière d'eau et d'assainissement, a donné son accord pour que soit transférée de l'eau en direction de Barcelone au bénéfice d'Aguas de Barcelona, le Préfet de la région Provence-Alpes Côte d'Azur, via le secrétaire général de la préfecture, s'interroge, dans une lettre adressée au Directeur général du groupe Eaux de Marseille le 15 mai 2008, sur ces ventes d'eau et lui demande de conforter l'approche juridique de cette vente d'eau.
Si l'on se réfère à la loi de 1923, les travaux autorisés l'étaient clairement dans le but spécifique de l'amélioration de l'alimentation publique dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Var et du Vaucluse (art. 1er). (…) Il en va de même du décret de 1857 qui précise bien que les dérivations opérées dans la Durance, outre l'irrigation, le sont « pour les besoins de la ville de Marseille » (art. 1er) ainsi que du décret de 1963 sur la concession des travaux du canal de Provence et d'aménagement de la Durance qui, d'une part, déclare les prélèvements d'utilité publique et, d'autre part, précise l'objet de la concession à la SCP qui est, en particulier, la construction du canal de Provence « destiné à alimenter les départements des Bouches-du-Rhône et du Var et la ville de Marseille en eau à usage agricole, domestiques et industriels. », précise la lettre.
Le Préfet demande donc à Eaux de Marseille de lui apporter les éléments juridiques qui [l']ont conduit à considérer que [la] société pouvait répondre favorablement aux besoins de l'agglomération barcelonaise.
De leur côté, les associations de protection de l'environnement dénoncent ces transferts d'eau : si ces transferts se font au nom de la solidarité à titre exceptionnel, nous n'y sommes pas opposés. Mais si cela devient une habitude, c'est catastrophique. Cette situation révèle une mauvaise gestion de l'eau, c'est un signal d'alarme. Cela risque de se reproduire ailleurs. Il serait plus logique de transférer les technologies existantes et les savoirs faire pour économiser l'eau plutôt que la ressource elle-même, commente Bernard Cressens, du WWF.
De son côté, Victor Hugo Espinosa, président du réseau Ecoforum, dénonce un problème éthique : A la fin des années 80, des transferts d'eau ont été organisés vers l'Algérie pour des raisons humanitaires. Mais aujourd'hui, il est question de mauvaise gestion de l'eau et de gaspillage, ce n'est pas pareil ! On va envoyer des bateaux d'eau potable en Espagne alors que chaque jour dans le monde des personnes meurent de soif. C'est un problème de surconsommation de l'eau, on est devenus « hydrovores » ! Et d'ajouter : Alors qu'en France, nous faisons le Grenelle de l'environnement, nous allons envoyer de l'eau par bateau, un mode de transport qui n'est pas durable. Pour chaque transfert, ce sont près de 30 tonnes de carburant qui seront dépensées.
Selon les associations de protection de la nature, la situation barcelonaise n'est que le signal d'alerte d'un problème global de l'eau qui nécessite une réponse à long terme, une gestion durable de l'eau.
La ville et le gouvernement, au lieu de faire face avec fermeté à la crise structurelle de l'eau qui s'aggrave, crise en partie liée aux changements climatiques, mais principalement fruit de l'héritage d'une époque d'augmentation exponentielle de la demande d'eau pour l'agriculture irriguée et le tourisme (golfs, piscines, hôtels), continuent de répondre en favorisant l'offre à moyen terme, tout en parant au plus pressé, déclare le WWF.
On le voit : le problème posé par cette crise est évident. Vouloir garantir des besoins économiquement artificiels (certaines cultures irriguées, golfs) se fera au détriment et de la sécurité d'approvisionnement des Barcelonais, de leurs besoins vitaux et de ce qu'il reste de milieux aquatiques d'eau courante intacts.