L'écriture parlementaire de la proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France (loi REEN (1) ) touche à sa fin. Mardi 2 novembre, le Sénat a adopté la version de l'Assemblée nationale de juin dernier, sans la modifier : « Nous regrettons le recul de l'ambition de l'Assemblée nationale. (…) Le texte est imparfait et incomplet. Mais ça ne doit pas occulter les nombreuses avancées », estime Patrick Chaize, sénateur LR de l'Ain auteur de la proposition de loi, qui a donc proposé à ses collègues de voter en l'état la version de l'Assemblée nationale. Au regard des contraintes du calendrier parlementaire dans les mois à venir, le sénateur a préféré ne pas risquer un arrêt des travaux. Avec ce vote conforme, il mise sur une publication rapide de la loi et l'entrée en vigueur immédiate de nombreuses mesures. « Si on ne fait rien, le secteur représentera 7 % des émissions de GES nationales en 2040 [contre 2 % aujourd'hui] », a-t-il rappelé.
L'obsolescence logicielle encadrée
La loi élargit le délit de l'obsolescence programmée à l'obsolescence logicielle et encadre l'information du consommateur lors des mises à jour. Elle met en place des opérations nationales de collecte d'équipements numériques avec des primes au retour et impose des objectifs de recyclage, de réemploi et de réparation dans le cahier des charges des éco-organismes gérant certains équipements numériques, au plus tard le 1er janvier 2028. Les services de l'État et les collectivités territoriales doivent désormais favoriser le réemploi ou la réutilisation de leur matériel inutilisé. La proposition de loi renforce par ailleurs les prérogatives du maire en matière de déploiement des infrastructures de télécommunications et de leur partage entre opérateurs.
Peu de mesures contraignantes
Les sénateurs regrettent de nombreuses mesures recalées par l'Assemblée nationale qui a, par exemple, supprimé le caractère contraignant du référentiel écoconception des services numériques. Les sénateurs souhaitaient également imposer aux opérateurs de réseaux la signature d'engagements pluriannuels de réduction des impacts environnementaux de leurs activités. L'Assemblée a préféré une approche qu'elle qualifie de « pragmatique » en demandant une simple publication d'indicateurs.
Le plus gros point de désaccord entre les sénateurs et le gouvernement reste le sujet de la taxe « copie privée » sur les équipements reconditionnés. Alors que les sénateurs prévoyaient de ne pas les taxer, la commission copie-privé a finalement soumis ces équipements à cette taxation avec l'appui du gouvernement. Même si un taux réduit s'applique et si les acteurs de l'économie sociale et solidaire sont exemptés, les sénateurs estiment que la mesure est « contradictoire » et appelle le gouvernement à « réfléchir à des mesures compensatoires pour les reconditionneurs ».
Une proposition de loi complémentaire
Même s'ils ont voté en l'état la version de l'Assemblée nationale, les sénateurs n'ont pas dit leur dernier mot. Ils proposent d'ailleurs une proposition de loi complémentaire pour réintégrer l'un des articles de leur proposition initiale. Ce dernier avait été retirée de la loi REEN pour être inséré dans la loi Climat et résilience. Qualifié de « cavalier législatif » par le conseil constitutionnel, l'article en question avait été purement et simplement supprimé. Les sénateurs persistent et signent avec un nouveau texte, reprenant l'article manquant. Il s'agit de l'article renforçant la régulation environnementale du secteur par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, Arcep. « Cette nouvelle proposition de loi intitulée "Renforcer la régulation environnementale du numérique'' vise à armer pleinement le régulateur dans la mise en place d'une régulation environnementale et l'application de la proposition de loi RENN », explique Jean-Michel Houllegate, sénateur PS de la Manche rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Ce nouveau texte a été adopté par le Sénat et devrait être présenté à l'Assemblée nationale en décembre prochain. Le gouvernement ayant actionné la procédure accélérée, il devrait être opérationnel début 2022.