« Il demeure pour [la Cour des comptes] une incertitude sur la capacité de la filière nucléaire française (…) à construire de nouveaux réacteurs électronucléaires dans des délais et pour un coût qui demeurent acceptables », estime Pierre Moscovici, ce jeudi 9 juillet, à l'occasion de la remise d'un rapport sur la filière EPR (1) . Le président de la Cour appelle les pouvoirs publics et EDF à « [s'appuyer] sur les atouts et sur le retour d'expérience » des six EPR construits ou encore en construction, avant de décider de l'avenir de la filière. Les difficultés rencontrées montrent surtout que la relance du nucléaire ne pourra se faire sans financement public ni sans une stratégie énergétique à long terme.
EDF ne peut plus financer le nucléaire
Les sages de la rue Cambon jugent que l'avenir du nucléaire en France passe par deux conditions. La première est la mise en place d'un nouveau dispositif de soutien financier qui fasse supporter au consommateur ou au contribuable le coût de construction des prochains EPR. Actuellement, la construction de six EPR, souhaitée par EDF et les acteurs du nucléaire, est estimée à 46 milliards d'euros. EDF « n'est pas en mesure de financer [de nouveaux réacteurs] sur ses fonds propres », explique Pierre Moscovici. Il rappelle notamment que l'entreprise fait face à une dette de 41 milliards d'euros, un niveau « incompatible » avec de tels investissements. Mais, pour qu'un soutien financier public soit politiquement acceptable, il faudra que l'électricité produite « soit suffisamment compétitive », prévient le président de la Cour.
La seconde condition est la conduite d'une réflexion sur la place à accorder aux réacteurs EPR dans la politique énergétique des trente prochaines années. La Cour demande à l'État d'inscrire la construction de nouveaux EPR (ou l'abandon de cette technologie) « dans une analyse complète et une planification du mix électrique à l'horizon 2050 », explique son président. La Cour rappelle que la plupart des réacteurs français auront atteint 60 ans aux alentours de 2040-2045. En outre, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) acte la fermeture de 14 réacteurs d'ici 2035. Pour faire face à ces contraintes, la décision de construire de nouveaux réacteurs doit donc être prise « dans les toutes prochaines années » et ne peut l'être que sur la base d'une planification à long terme.
Une dérive considérable, même pour une tête de série
Les difficultés listées dans le rapport de la rue Cambon sont bien connues : des conditions défavorables lors du lancement du projet (retrait des Allemands et querelles entre EDF et Areva) ; une sous-estimation de la complexité de la construction ; une perte de compétence de la filière nucléaire française ; un pilotage du chantier par EDF qui ne distingue pas les rôles de maîtrise d'ouvrage et maîtrise d'œuvre, couplé d'un contrôle stratégique « insuffisant » de la part du conseil d'administration de l'entreprise. Des constats qu'« EDF (…) partage et affirme être résolue à surmonter », assure Pierre Moscovici.